dimanche 3 juillet 2011

Appropriation par le salarié de documents de l’employeur pour se défendre : la tolérance du juge pénal

Par un arrêt du 16 juin 2011 (n°10-85079), la chambre criminelle de la Cour de cassation vient de préciser les conditions dans lesquelles un salarié peut s’approprier les documents de l’employeur sans encourir les sanctions pénales du vol ou de l'abus de confiance.

Trois conditions cumulatives sont posées par la Haute Juridiction.
1/ Le salarié doit avoir agi dans le but de se défendre
2/ L’appropriation doit être strictement nécessaire à l'exercice de la défense
3/ L'imminence d'un procès prud'homal.

Cet arrêt est dans l'air du temps. Il nous rappelle que, au sein de la hiérarchie des droits fondamentaux, le droit de se défendre est l'un des plus puissants. Il prime notamment sur le droit de propriété.

Le second critère posé par la Cour de cassation prend en compte le périmètre de l'appropriation. Si celle-ci dépasse le strict nécessaire, le délit est constitué. Mais qu'est ce que le strict nécessaire ? S'agit-il des pièces utilisées ou utilisables pour les besoins de la procédure prud'homale ? Comment le salarié peut-il en préjuger ? Dans les faits, il est vraisemblable que l'élément intentionnel ne sera constitué que lorsque l'appropriation portera sur des documents totalement étrangers au litige qui se profile.

Le troisième critère est encore plus favorable au salarié. Celui-ci peut agir alors même que le procès n'a pas été porté devant le Conseil de Prud'hommes. Il suffit que le contentieux soit imminent.

Diverses questions pratiques peuvent naitre de la règle posée par la Cour de Cassation.

Quid si c'est le salarié qui prend l'initiative du procès prud'homal ? Le droit de se défendre reste-t-il toujours aussi énergique ?

Quid encore de la transposition de la règle pénale devant le Conseil de Prud'hommes ? Les preuves jugées légales par le juge pénal seront elles jugées loyales en matière civile ?

En définitive, la portée de l'arrêt rendu le 16 juin 2011 par la Chambre criminelle apparaît fuyante.

Il reste que cet arrêt va dans le sens d'un rééquilibrage du rapport de force entre le salarié et son employeur, en faveur du pot de terre contre le pot de fer.

Il faut s'en réjouir !

Il faut aussi songer “au coup d’après”, ne s'agit-il pas du prélude au renforcement des pouvoirs d’intrusion de l’employeur alors qu’il se sentirait menacé ?

Michel PASOTTI, Paris le 3 juillet 2011